C’était une des grandes figures de la Résistance pendant l’occupation allemande. Son action en 1943 à Lyon a été portée à l’écran en 1997 par Claude Berry dans Lucie Aubrac, jouée par Carole Bouquet.
Lucie Bernard (de son nom de naissance, 1912), fille de vignerons mâconnais modestes, excellente élève, passionnée d’histoire, devient professeur agrégée dans les années 1930. Dès cette époque, elle est naturellement une militante.
Lorsque la guerre éclate, elle est en poste à Strasbourg. Elle vit avec un jeune ingénieur issu de la bourgeoisie juive, Raymond Samuel, qui a fait ses études aux Etats-Unis. Ils se marient en décembre 1939 alors que la France s’est installée dans la drôle de guerre.
A l’heure de la défaite de juin 1940, quand Raymond se retrouve prisonnier de l’armée allemande, Lucie parvient une première fois à le libérer de la prison de Sarrebourg, en août, profitant de la confusion générale, puis ils partent à Lyon.
Le régime de Vichy s’est installé, la collaboration s’impose et le premier statut contre les juifs est adopté. Le couple, qui dispose de deux visas, pourrait partir aux Etats-Unis. Ils refusent ce confort, non par défit mais par patriotisme, par esprit de résistance.
Ils seront parmi les premiers en France à constituer un réseau d’entraide solide, à rédiger des tracts et à les distribuer. A l’automne 1940, Lucie rencontre le fondateur du réseau clandestin Libération, Emmanuel d’Astier de la Vigerie. Ils décident de lancer ensemble un journal, arme de propagande. Elle est alors professeur et mère de famille, complètement impliquée dans la vie du mouvement Libération.
En 1942, ils cherchent à élargir leur réseau et à trouver des armes, de l’argent, des caches, le tout avec un mélange d’improvisation et d’organisation, de sang-froid et de fièvre.
Pour tout le monde, ils s’appellent Lucie et Raymond Samuel, professeur au lycée et ingénieur. Leurs voisins ne se doutent de rien.Les contacts rapides, les rendez-vous clandestins se multiplient. Sous le nom de François Vallet, Raymond est arrêté en mars 1943 alors qu’il va rencontrer un camarade dans un appartement lyonnais. Une vingtaine de personnes sont arrêtées et la police française ne parvient pas à percer la véritable identité de Raymond. Il explique qu’il se livre au marché noir. Le juge signe une ordonnance de libération le 10 mai 1943.
Mais ce qu’il ignore à ce moment-là, c’est le rôle de sa femme, qui s’est rendue en personne chez le procureur pour lui tenir ce langage : « Je représente ici l’autorité du Général de Gaulle, qui est le chef de Vallet. Si demain, au palais de justice, vous ne signez pas favorablement sa mise en liberté, si le 14 au matin Vallet n’est pas libre, vous ne verrez pas le soleil se coucher le 14 au soir. »
Une dizaine de jours plus tard, le mouvement Libération, avec un commando intégrant Lucie et Raymond, libérera plusieurs autres résistants de ce groupe en se faisant passer pour des agents de la Gestapo. A chaque fois, Lucie manifeste un courage et un esprit de décision exemplaires.
Lors de l’arrestation de Caluire, près de Lyon, le 21 juin 1943, de Jean Moulin, chef de la Résistance, avec sept autres dirigeants dont Raymond, l’aspect mortel l’emporta. Mais encore une fois, Lucie parvient à le faire libérer 4 mois après.
Le couple vit alors de cache en cache, recherché, traqué. Lucie parvient, grâce à ses contacts, à gagner Londres le 8 février 1944 avec son petit garçon. Elle accouche d’une petite fille quelques jours plus tard. Son combat aurait pu s’arrêter là, mais elle participa à la Libération et siègera à l’Assemblée consultative.
Par la suite, elle ne cessera jamais de militer, d’enseigner, de faire la pédagogie de ce que furent l’ignominie de la collaboration et la fraternité de la Résistance. Devenue militante d’Amnesty International, prenant cause pour les sans-papiers, elle résumait son crédo d’une phrase : « le mot résister doit toujours se conjuguer au présent. »
Elle s’éteignit le 14 mars 2007, à l’âge de 94 ans !